Clémence est en colère. Une colère aussi vieille que ses cellules, une colère qu’elle connaît bien et qui la construite, une colère qui lui donne le droit d’être en colère contre tout ce qui la dérange : son patron, ses collaborateurs, son conjoint et même son chien !
Clémence a bien des raisons d’être en colère. Elle a été maltraitée dans son enfance par son père et ne se souvient que des coups qu’elle a reçus, de la peur au ventre de ne pas savoir quand ils allaient tomber et pourquoi, du profond sentiment d’injustice qui alors l’habitait et l’habite toujours.
Sa colère commence vraiment à lui poser problèmes. Ses collègues lui disent : « on ne peut rien te dire, tu montes tout de suite dans les tours ! ». Son conjoint vient de poser un ultimatum : « si tu ne t’en occupes pas de cette colère, notre relation va mal se terminer. »
Elle y a bien réfléchi, demandé discrètement quelques adresses autour d’elle et fait son choix au feeling. Grand saut dans l’inconnu pour sa première thérapie et la voilà face à son thérapeute (psycho quelque chose, elle ne sait plus), un homme qui plus est, qui commence ainsi :
- Bonjour Clémence, qu’est-ce qui vous amène ?
- Mon conjoint menace de me quitter car je me mets souvent en colère ?
- D’où vient cette colère ?
- Je suppose, de ce que j’ai vécu avec mon père. Il me battait.
- Quelles sont les relations avec votre père aujourd’hui ?
- C’est un triste personnage. Je ne le vois plus.
- Et votre mère ?
- Je l’appelle et on se voit de temps en temps.
Et ainsi de suite, pendant une heure. Finalement, ça lui a fait du bien de parler et d’être entendue. Au bout de quelques mois, Clémence a pu contacter la petite fille blessée en elle, accueillir sa souffrance, exprimer son manque d’attention bienveillante, de câlins et de valorisation de la part de son père. Elle a même pu prendre conscience que son père avait aussi été un enfant maltraité. Ça n’excuse pas, mais ça explique ! Pourtant, elle se sent toujours victime et peu encline à lâcher sa colère. Lors de la séance suivante, son psy lui demande :
- Que se passerait-il si vous lâchiez votre colère ?
- Je me sentirais sûrement mieux mais ce serait faire comme si ce que j’avais vécu n’avait pas existé !
- Et que se passerait-il si cela donnait l’impression que ce que vous avez vécu n’avait pas existé ?
- Et bien, mon père s’en tirerait à bon compte !
- Ah ! Par conséquent, en allant mal, c’est une façon de mettre votre père en face de votre souffrance et de lui faire payer quelque chose ?
- Hum ! Je n’avais pas vu ça comme ça mais c’est un peu ça…
- Un peu ça ?
- J’aimerais tellement qu’il reconnaisse ce qu’il m’a fait et qu’il s’excuse. En continuant à aller mal, je le pousse à le faire.
- Est-ce que cela a marché jusqu’à présent ?
- A l’évidence, Non ! Et en plus, je ne sais pas ce que c’est que de ne plus être en colère. La colère me donne de la force.
- Comment saurez-vous ce que ça fait de ne plus être en colère ?
- Ben, en essayant, je suppose.
- Et comment pouvez-vous compenser la force que votre colère vous donne ?
- Je sais que j’ai cette force de toute façon. Je n’aurais pas survécu sans… Alors, oui, je veux bien essayer.
Clémence a commencé doucement à lâcher ses programmes de « pilotage automatique » qui la faisaient monter dans les tours et s’énerver pour tout et pour rien. Elle a reconnu l’enfant blessée en elle (sa partie victime) et l’a accueillie dans son cœur, la remerciant pour les stratégies de survie qu’elle avait mises en place. Elle a commencé à reconnaître que la colère qu’elle entretenait inconsciemment ne faisait de mal qu’à elle-même et à ses proches. Plus que tout, elle a commencé à entendre que son père avait lui-même reporté la colère -qu’il avait subie dans son enfance- contre elle et qu’elle était en train de faire de même autour d’elle.
Pour que la chaîne des répétitions se casse et que son avenir devienne plus radieux, elle a décidé de se donner le droit d’être heureuse, sereine et parfois en colère, uniquement lorsque ses limites étaient dépassées. Ça a pris du temps mais ça en valait la peine. Peut-être que d’ici quelque temps elle pourra envisager de revoir son père. Après tout, il lui a donné la Vie. Peut-être qu’elle osera un jour la retransmettre à ses enfants si tel est son choix !
Commentaires
BOnjour Sylvie,
Merci pour ce partage... je me reconnais bien la dedans et moi aussi je fais mon chemin...
A bientôt
Emmanuelle
Je m’en réjouis pour toi !
Bises et à bientôt.
Sylvie
Oui Sylvie, beau témoignage à nouveau, de cette nécessité-humilité d'aller se rencontrer au coeur de son enfance... et là en plus, le prénom reçu est un préCieux clind'oeil, non !